Le 23 novembre 2022, au Beffroi de Montrouge, la Fondation Partage et Vie et VYV3 co-organisaient un colloque avec le soutien financier de la CNSA, qui a rassemblé de nombreux intervenants : directeurs, professionnels de terrain, associations d’usagers et institutionnels (Défenseure des droits, Comité consultatif national d’éthique, Conférence nationale de santé, CNSA…). Retrouvez ci-dessous quelques extraits choisis du colloque, ainsi que des vidéos qui vous permettront de revenir sur les éléments forts de cette journée.
Interview croisée de Stéphane Junique et Dominique Coudreau
Dominique Coudreau, président du Conseil d’Administration de Partage et Vie, et Stéphane Junique, président de VYV et de VYV3 ont ouvert ensemble les débats de cette journée (accéder au programme).
Dominique Coudreau est revenu sur la loi de 2002, à l’origine de la démocratie en santé, et du point de vue de l’acteur opérationnel qu’il était à l’époque en tant que directeur de l’ARH d’Ile-de-France. Il a tenu à souligner les progrès importants réalisés depuis 20 ans : « Nous avons appris à mieux connaître nos interlocuteurs, à comprendre leurs besoins, à dialoguer. Nous avons acquis une meilleure compréhension de la qualité du service rendu au plus près du terrain. Avec la crise COVID, nous avons encore plus compris que le rôle d’un siège, au-delà de ses responsabilités de pilotage et d’animation, était de tout faire pour aider les responsables de l’établissement et des services à bien faire leur travail de tous les jours, au service des résidents et des patients ». Dominique Coudreau a remercié les organisateurs, notamment Karine Lefeuvre, conseillère scientifique sur les questions de démocratie en santé à la Fondation Partage et Vie, ainsi que Natacha Lecas, Directrice nationale personnes âgées, et Anne-Marie Lemessager, Directrice nationale handicap, VYV3.
Stéphane Junique est revenu sur son expérience d’infirmier en 1995, à l’hôpital Broussais, où il avait à prendre en charge des patients atteints du VIH : « J’ai découvert l’importance de la dimension éthique du soin, mais l’étroitesse de la frontière entre le médical et le social. Soigner, c’est aussi écouter et accompagner ». Citant Daniel Defert, président de l’association AIDES, « les malades ont joué à cette époque un rôle véritable de réformateurs sociaux », il a exprimé sa reconnaissance, pour les associations et les militants qui ont imprégné la santé publique des valeurs pratiques de notre démocratie. Cette mobilisation bénéficie aujourd’hui à toutes et tous.
Stéphane Junique a partagé ensuite trois convictions.
Tout d’abord, « la santé est un droit fragile parce qu’il est bousculé par la manière dont notre société fait vivre ce droit. Notre pays est traversé par des inégalités sociales, territoriales. Le sujet de l’effectivité des droits est un combat. Nous avons, en tant qu’opérateur, un rôle pour rendre ces droits effectifs à travers nos métiers ».
Son deuxième message a porté sur le fait que la santé est une affaire collective : « On ne peut pas parler de la santé sans prendre en considération le fait que le vieillissement de la population amène à des transformations profondes. Des maladies qui étaient mortelles hier, sont désormais des maladies chroniques, et viennent bousculer les pratiques des soignants. Nous ne pouvons pas faire comme s’il n’y avait pas de nouveaux risques socio-écologiques qui viendront bousculer la manière dont notre société doit prendre en charge ces nouveaux enjeux dans les protections nouvelles, mais aussi la manière dont on fait évoluer notre modèle de santé. La santé, est une affaire de citoyenneté. Et c’est en cela que la question de la démocratie en santé est précieuse ».
Enfin, Stéphane Junique a souligné que la santé est un engagement : « Nous avons de belles expériences en établissements mais on peut aller plus loin. La démocratie en santé n’est pas un domaine réservé aux responsables publics, aux juristes, aux éthiciens, aux philosophes, aux médecins, aux soignants ni même un domaine qui est réservé aux associations de malades. Cette démocratie en santé, nous en sommes toutes et tous, à des titres différents, des garants et des artisans. Et c’est pourquoi cette journée est importante pour nous ».
Interview de Jean-François Delfraissy
Lors de la table ronde sur la dimension collective de la démocratie en santé sur les territoires, Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a insisté sur la nécessité de clarifier à tous les niveaux la question de démocratie en santé. Politiques, élus, citoyens, ne sont pas à opposer mais à additionner : « Nos démocraties sont arrivées à un stade où il faut s’appuyer sur cette démocratie en santé, ou participative, au sens plus large du terme. C’est l’une des façons de rétablir de la confiance. Chacun d’entre nous, dans son rôle, doit expliquer cela aux politiques, soit au plus haut niveau, soit au niveau des territoires ». Revenant sur les consultations de citoyens, JF Delfraissy a souligné leur intérêt pour faire remonter des questions qui sans être opposables, pourront éclairer le législateur, mais aussi la nécessité d’être très clair sur le fait qu’un certain nombre de propositions ne seront pas retenues. « Sur le point, le politique a une responsabilité. Et nous, nous avons une responsabilité de faire passer ces messages aux politiques. Je conclue en vous recommandant de relire les auteurs du début de la lutte contre le SIDA et de relire Foucault ! »
Interview de Carole Dechamps et Georges Ajagaya Le Beau
La fin de la journée a été conclue par un dialogue entre Dominique Monneron, Directeur général de Partage et Vie, et Didier Hervaux, Directeur général délégué de VYV3.
Dominique Monneron : « Si je devais retenir un mot des débats, c’est le mot effectivité. Les outils pour la participation citoyenne dans nos établissements existent. Notre devoir de gestionnaire, c’est d’être exemplaire en matière d’effectivité. Il faut retrousser nos manches parce que l’on voit bien que cette mise en œuvre est variable d’un endroit à l’autre. La force d’organisations comme les nôtres est de s’assurer que ce déploiement se fait de façon homogène… Pour que les droits soient effectifs, il faut que les termes de cette participation soient partagés, par nos professionnels, nos résidents et bénéficiaires. Cela est vrai aussi pour leur environnement. Nous avons un vrai enjeu d’information, cela a été dit à plusieurs reprises notamment concernant l’animation des CVS, car cela ne se fait pas forcément de façon naturelle ».
Didier Hervaux : « Je partage cette fierté vis-à-vis de nos équipes pour dire que beaucoup de choses se font en établissements. Notre première obligation, en tant que groupes, est de valoriser ce qui est fait et de le partager. Cette valorisation amènera une seconde obligation, qui est l’objectivation. On doit certainement retravailler pour pouvoir mieux suivre les progrès faits en matière de démocratie en santé au sein de nos établissements… Nous sommes engagés – c’est le début, c’est un chemin complexe – sur ce qu’on appelle l’autonomisation des équipes. On doit pour cela réinventer un espace d’expression ce qui nécessite un travail d’accompagnement et une confiance forte dans le collectif. Et de la même manière, il faut entendre de la part des familles et des résidents, des propositions d’amélioration. Les équipes sont pivots dans cette mise en œuvre de la démocratie en santé. Cela va prendre du temps pour arriver à maturité, mais il faut créer les conditions qui permettront cette expression ».
Interview de Mahammed Ghadi, représentant d’usagers