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Santé mentale : la nécessaire inventivité pour faire face au confinement

La période de confinement est une épreuve pour tous. C’est tout particulièrement le cas pour les personnes atteintes de maladies mentales. Pour les patients concernés par les troubles psychiatriques, la perte de régularité du contact avec leur entourage soignant n’est pas sans risque. C’est pourquoi les établissements de santé mentale de VYV 3 ont dû se montrer inventifs pour maintenir les soins et la proximité avec les patients.

« En psychiatrie, comme en général face à cette crise, nous avançons à tâtons du fait de son caractère exceptionnel, confie le Dr Nicolas Lacoste, psychiatre et médecin chef au Centre de santé mentale de Bordeaux (MGEN), géré par VYV3. Or nous devons prévoir que l’arrêt des soins, le confinement et le climat général de pandémie génèrent un impact sur les personnes atteintes de troubles psychiatriques. » En effet, la maladie mentale aggrave la vulnérabilité des personnes concernées, ce qui est préoccupant dans la période actuelle. « Un contexte aussi nouveau met à l’épreuve notre capacité d’adaptation et notre plasticité sociale, souligne Nicolas Lacoste. Souvent, les troubles psychiques altèrent ces capacités. Aussi, pour certains malades, cette situation vient renforcer leur mal-être, notamment pour les personnes qui souffrent de troubles anxieux. »

Maintenir le lien social
Le sentiment d’abandon est donc un vrai risque en cette période de confinement où la grande majorité des structures ambulatoires sont closes, en particulier les hôpitaux de jour.
« Les patients supportent difficilement l’espacement des rencontres avec leur thérapeute et plus généralement leurs soignants, reprend Nicolas Lacoste. Pour les personnes présentant une pathologie psychique chronique, des troubles de l’humeur graves ou de la personnalité, le risque est important de ne plus accéder aux liens qui leur permettent de maintenir leur vie sociale et, in fine, de se nourrir, de penser et de conserver une bonne hygiène de vie. »

Faire un programme quotidien d’activités
Alors que faire ? Conserver autant que possible des liens entre le patient et l’entourage thérapeutique, bien sûr. Dans la mesure du possible, les aidants et la famille entourant les personnes atteintes de maladie mentale – et celles et ceux notamment qui sont habituellement inclus dans des prises en charge structurées comme celles des hôpitaux de jour – doivent contribuer à maintenir un rythme quotidien, avec un rythme la journée, avec des heures régulières pour le lever et le coucher.
« Plus l’on avance dans le confinement, plus les troubles du sommeil sont importants, observe Nicolas Lacoste. D’où l’importance d’une certaine régularité. Si la famille est confrontée à des difficultés, elle ne doit pas hésiter à joindre les équipes soignantes. Beaucoup d’entre eux se sont mis à faire des visites à domicile et de l’appui téléphonique. La téléconsultation peut fonctionner à partir du moment où le lien patient-thérapeute était préalablement établi. Malheureusement, il y a des personnes qui étaient en attente de soins juste avant le confinement. C’est plus compliqué pour elles. »

L’incertitude renforce l’anxiété
De fait, quels sont les troubles qui se développent depuis le début du confinement ? Nicolas Lacoste constate que certains patients expriment fortement leur intolérance à l’incertitude. Plus encore que l’angoisse liée à la contamination, c’est l’anxiété de ne pas avoir de prise sur ce qui va arriver qui pose problème. « Certains ont déjà le sentiment que leur vie est sous influence d’un système de décision qui leur échappe et développent des pensées délirantes, explique Nicolas Lacoste. Le contexte vient aggraver leurs troubles. »

Pour le psychiatre, la pandémie apporte la nécessité d’une vigilance nouvelle : le lien physique avec le patient étant essentiel, il ne faudrait pas que les habitudes de consultations prises actuellement (téléphone…) s’installent dans la durée, y compris après le déconfinement. « Le contexte reste exceptionnel et nous devrons absolument retrouver ensuite cette proximité », avertit Nicolas Lacoste.

Les établissements de santé mentale inventent de nouvelles solutions
Si l’épidémie de Covid-19 installe une distance physique entre patients et professionnels des hôpitaux de jour, la mission de soins doit se poursuivre. Comment assurer le soutien psychologique, prévenir les hospitalisations, suivre des patients décompensés, assurer la prise en charge des pathologies coexistantes, tout particulièrement des patients fragiles ou atteints par le coronavirus tout en soutenant l’entourage familial… ? Illustration avec les établissements de santé mentale (ESM) de la MGEN.

ESM Bordeaux et Toulouse
Dans ces deux établissements, plusieurs dispositifs originaux ont été mis en œuvre pour accompagner et suivre les patients grâce aux moyens informatiques ou téléphoniques : groupe de parole par audioconférence, deux à trois fois par semaine pour préserver un rythme de rencontre, lettre numérique hebdomadaire, boîte mail à disposition des patients pour partager leurs productions (écrits, photos, peinture, collage, articles internet…), échanges par visioconférence, mais aussi groupe de lecture et groupe d’écriture proposant aux patients d’écrire une histoire à plusieurs mains. Des soignants proposent également des séances de relaxation par téléphone.

ESM Lille
Pour maintenir la continuité du lien et des soins, l’établissement organise chaque jour, des visites à domicile d’Infirmières diplômées (IDE) pour s’assurer que tous prennent bien leurs médicaments, pour réaliser les injections qui sont d’habitude faites à l’hôpital, assurer la prise de repas ou encore faire des courses pour ceux qui, en l’absence de ces visites, ne sortiraient pas et ne s’alimenteraient pas suffisamment. Dix patients sont ainsi pris en charge à ce jour, un nombre qui pourrait augmenter au fur et à mesure du confinement.

ESM Rouen
Pour organiser un planning d’activité à l’usage des patients, une plateforme a été créée par l’éducateur spécialisé de l’établissement. Ateliers d’écriture, de dessin ou encore sport adapté sont ainsi proposés par plusieurs intervenants : éducateur, animateurs et art-thérapeutes. Pour le sport, par exemple, des vidéos sont envoyées aux patients, suivis de points réguliers par messagerie ou téléphone. De leur côté, un infirmier et un animateur ont conservé, via une adresse mail, un lien “théâtre” avec la création de saynètes sur un thème particulier (le thème du confinement n’a pas eu un franc succès…), tandis que l’art-thérapeute a créé un blog. A ce jour, 42 patients se connectent régulièrement, signe de la réussite du dispositif.

ESMPI (Paris et Ivry sur Seine)
Alors qu’une permanence téléphonique est maintenue durant les heures d’ouverture pour permettre aux usagers de joindre les soignants, les équipes se sont organisées aussi à leur domicile, pour assurer un suivi individuel en fonction de la situation clinique de leurs patients. Des activités leurs sont ainsi proposées, afin de créer des repères temporels et maintenir le lien social.
Pour éviter l’isolement, des groupes de verbalisation en vidéo favorisent les échanges sur les « bons plans confinement ». D’autres font appel à la culture générale, comme trouver le titre d’un film après l’envoi d’une image ou visionner un opéra ou un spectacle (gratuit en ligne) suivi d’un temps d’échange en vidéo pour partager son ressenti. Un site web/blog participatif à destination des patients et des soignants permet de partager une multitude d’idées sur des thématiques culturelles, corporelles, culinaires, etc.

Etablissement de santé pour adolescents de Chanay
Dès le confinement, la téléconsultation a été mise en place afin de maintenir le lien thérapeutique entre le patient et sa famille, son médecin pédopsychiatre, le psychologue et le référent (soignant ou éducateur). Le projet de soin personnalisé du patient peut être ainsi réajusté chaque semaine. D’autres consultations peuvent avoir lieu selon les besoins, avec la diététicienne pour l’observance d’un régime alimentaire, la monitrice d’activité physique pour conseils d’exercices physiques, ou encore l’assistant social. 51 jeunes patients sont ainsi pris en charge dans le cadre de dispositif innovant. Pour les 11 restants hospitalisés, la visioconférence permet de maintenir le contact avec les familles ou les amis.

 

Articles issus d’Essentiel Santé Magazine et de Tempo

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